Intervention de Valérie Gonçalvès à Balaruc les Bains - AG Indecosa CGT – 19 octobre 2017
Présentation de l’ONG
DROIT A L’ENERGIE SOS FUTUR est une ONG internationale de droit français composée uniquement de personnes morales (associations, ONG, organisations syndicales nationales et internationales) représentant plus de 70 millions de membres.
L’Association a pour objet la défense et la promotion au plan de chaque Etat, du Droit à l’Energie pour tous, en tant que droit fondamental de l’homme, dans les conditions d’égalité et de solidarité conformes aux textes internationaux en matière de droits de l’homme et de respect sur les ressources naturelles. Elle se fixe comme objectif de rassembler celles et ceux qui veulent agir en faveur de la reconnaissance du droit à l’énergie, partager l’énergie et protéger les équilibres de la planète et les intérêts écologiques des générations futures.
Depuis 2004 Droit à l’Energie SOS Futur bénéficie du Statut Spécial Consultatif auprès le Conseil Economique et Social de l’ONU, ce qui lui confère le droit de participer à la Conférence annuelle sur le Développement.
Elle est composée d’un Conseil d’administration, d’un bureau et d’un secrétariat. D’importantes organisations européenne et mondiale sont adhérentes comme l’EPSU ainsi que l’ISP ou Indecosa qui est aussi membre du CA.
Situation dans le monde
Une grande partie de notre consommation d’énergie est justifiée par la satisfaction des besoins essentiels : se chauffer, se déplacer, se nourrir, se soigner…Il subsiste encore aujourd’hui une réelle inégalité d’accès aux ressources, en particulier à l’eau et à l’énergie entre les pays développés et ceux en voie de développement. 80% des ressources énergétiques de la planète sont consommées par 20% de la population mondiale. 1,4 milliard de personnes actuellement sans accès à l’électricité dont 620 millions d’africains soit près des deux tiers de la population du continent pourtant riche en ressources énergétiques. Aujourd’hui, la production électrique totale de l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne est à peu près égale à celle de l’Espagne, pour une population près de vingt fois supérieure. Le taux d’électrification de cette zone est l’un des plus bas au monde avec 31%.
Même si le bilan des objectifs du millénaire pour le développement fait état d’une division par deux du nombre de personnes vivant en situation d’extrême pauvreté depuis 1990, la pauvreté tue encore chaque année dans le monde près de 6 millions de personnes. Encore, 836 millions de personnes vivent avec moins de 1,25 dollars par jour, une personne sur quatre est mal nourrie en Afrique Subsaharienne alors qu’on gaspille 1.3 milliard de tonnes de nourritures chaque année dans le monde, 57 millions d’enfants ne sont pas scolarisés. 1.3 milliard ne disposent pas d’un réseau électrique moderne. Eradiquer la pauvreté d’ici à 2030, combattre les inégalités et le dérèglement climatique tel est le nouvel objectif fixé par l’ONU. Objectif que nous partageons.
Mais aucun de ces objectifs ne sera atteint sans un accès à l’énergie dans les pays ou régions du monde qui en sont dépourvus.
La demande mondiale d’énergie aura doublé d’ici 2050 et ce, même dans l’hypothèse de la mise en œuvre de forts programmes d’économies d’énergie dans les pays aujourd’hui les plus consommateurs. Le rapport du Programme des Nations Unis pour l’Environnement indique que, même avec une sobriété énergétique maximale, il est néanmoins nécessaire de produire 43 % d’énergies en plus qu’aujourd’hui ! si l’on ambitionne de hisser le niveau de vie des pays pauvres au niveau de vie des pays riches.
Selon la Banque Mondiale, pour que toute la population mondiale bénéficie de l’accès à l’électricité d’ici 2030, il faudrait investir 45 milliards par an supplémentaires, soit multiplier les investissements par 5. Elle rappelle que 2,8 milliards de personnes sont contraintes de se chauffer et de cuisiner à partir du bois ou d’autres combustibles dont l’utilisation est dangereuse pour la santé. Selon le rapport, ce mode de chauffage et de cuisson entraînerait 4 millions de morts prématurées par an (principalement chez les femmes et les enfants).
Les options énergétiques impliquent des choix de société. Pour nous, aucune source d’énergie ne doit être négligée. Elles existent toutes à des développements différents selon des mix énergétiques variés.
En Europe, on peut considérer qu’il y a entre 75 et 125 millions de personnes en situation de précarité énergétique (rapport EPEE, Étude de la Précarité Énergétique en Europe). 11 % de la population déclare ne pas être en mesure de chauffer son logement de manière adéquat (Anderson 2013). Avec la libéralisation du secteur énergétique qui devait soit disant faire baisser les prix, cela n’a donné lieu qu’à une désoptimisaton et une complexification du secteur. Tous les pays européens qui ont mis fin aux tarifs régulés, c’est-à-dire fixés par l’Etat, les factures se sont envolées. Un ménage italien paie son électricité 45 % plus cher qu’un ménage français, un ménage belge 40% et un ménage allemand plus de 80%.
En France, ce sont près de 12 millions de personnes qui sont en précarité énergétique alors que le pays s’enrichit. C’est en France que la rémunération distribuée aux actionnaires connait la plus forte hausse, avec plus de 36 milliards d’€ de distribués (+ 30,3%), ce qui place notre pays en tête en Europe devant l’Allemagne et le Royaume Uni et le 3ème pays au monde dans la course au podium des versements de dividende.
Pour nous, il y a urgence à ce que les grandes institutions en Europe et dans le monde insère le droit à l’énergie dans des dispositifs légaux, comme par exemple l’inscrire dans les constitutions de chaque Nation, comme un droit fondamental de l’être humain à l’instar de l’Equateur et du Niger. Il y a donc urgence à instaurer une véritable réflexion et une solidarité politique car seule l’action collective ainsi que la coopération permettront une juste adaptation de toutes les populations pour le droit à l’énergie. Il faut que son accès soit possible, en quantité suffisante, que son coût en permette l’usage et que sa qualité s’inscrive dans le cadre d’un développement humain durable.
Au vue des sommes à investir pour répondre aux enjeux mondiaux, ces investissements ne peuvent pas être faits sans toucher à la rémunération des actionnaires des sociétés énergétiques.
Notre ONG propose la création d’une journée mondiale de l’accès à l’énergie durable pour tous qui pourra être un temps fort annuel de la mobilisation de tous les acteurs de ce secteur. Cette journée ne se veut pas une fin en soi mais bien comme l’outil indispensable de mesure annuelle des progrès accomplis par la lutte pour l’élargissement du droit à l’accès à l’énergie. Cette proposition a d’ores et déjà reçu le soutien de plusieurs institutions comme le Conseil Mondial de l’énergie, l’Agence Internationale de l’Energie. Cet objectif nous espérons le faire partager encore plus largement afin de le voir aboutir auprès de l’ONU. En 2015 l’ONU a reconnu que sans énergie aucun des 8 objectifs pour le Développement Durable ne pourra être atteint.[1]
Revendications de l’ONG au plan international et européen
Sortir l’Énergie de la loi du Marché et faire reconnaître l’accès à l’énergie comme un bien vital pour tout être humain,
Faire inscrire dans la constitution de chaque Nation le droit à l’énergie comme un droit fondamental de l’être humain,
Mettre en place une instance mondiale sous l’ONU pour la sécurité énergétique et les approvisionnements en ressources fossiles respectueuses des peuples, de leurs sous-sols et leur environnement et créer un fonds de développement pour l’accès à l’Énergie (infrastructures, formation, recensement) permettant de lancer des projets structurants dans les pays en développement en partenariat constant avec la société civile. Alimenter ce fonds par la banque mondiale et le FMI ainsi que la BCE.
Favoriser les transferts technologiques permettant une organisation du secteur énergétique (moyens de production, système d’exploitation) ;
Promouvoir une politique de recherche et son financement associé en vue de satisfaire les besoins énergétiques et de réduire l’empreinte écologique ;
Décider de la mise en place d’une Journée Mondiale de l’accès à l’énergie durable pour tous.
Droit à l’énergie SOS Futur propose au niveau français :
La diminution de la TVA à 5% sur l’électricité et le gaz, produits de première nécessité. C’est possible en Belgique, ils ont ramené à 6% la TVA au lieu de 21%.
Le maintien des tarifs sociaux pour l’électricité et le gaz en complément du chèque énergie, avec une augmentation significative de leurs montants afin de répondre au droit à l’accès à l’énergie, droit fondamental pour la vie[2]. Que leur financement repose sur l’ensemble des entreprises du secteur énergétique.
Réduire la mobilité contrainte (due notamment à l’étalement urbain) et développer les transports collectifs accessibles au plus grand nombre.
Un plan gouvernemental à la hauteur des enjeux concernant la réhabilitation des logements privés et publics, collectifs et individuels. Or, le gouvernement Macron ne va pas dans la bonne direction quant il veut faire 1.4 milliard d’euros d’économies sur les APL tout en reportant la responsabilité sur les bailleurs sociaux[3] en les exhortant à baisser le montant des loyers, ce qui revient à les priver d’une partie de leur fonds propres, donc de leur capacité à réinvestir dans la construction ou la rénovation. Parallèlement, le gouvernement va perdre 3 milliards d’€ dans la réforme de l’ISF.
Ou réduire le crédit du CITE en le faisant passer de 30 % à 15 % pour les travaux de rénovation tout en jugeant la rénovation pour les fenêtres, portes d’entrée et volets isolants d’une moindre efficience.
Et surtout, pour sortir durablement de la précarité énergétique, l’augmentation des revenus minimum (salaires, pensions et aides sociales) pour garantir à chaque habitant ses droits fondamentaux : logement, eau, électricité, chauffage et accès à la santé.
Définition de la précarité énergétique
La définition de la précarité se définit comme tel : est en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de des ressources ou de ses conditions d’habitat. On considère que la précarité énergétique commence quand le taux d’effort des dépenses consacrées à l’énergie est supérieur à 10%.
La lutte contre la précarité énergétique ne peut se résumé au seul soutien financier au paiement des factures. Cela doit aussi s’accompagner d’une politique de plus long terme qui vise à protéger les ménages des hausses des prix de l’énergie. La rénovation thermique des logements et l’amélioration de l’efficacité énergétique des appareils électriques.
Si les populations les plus fragiles les plus pauvres sont directement touchées par le problème de l’accès à l’énergie, la précarité énergétique touche une population plus large. Par exemple, un ménage qui dispose d’un revenu mais dont le logement, qu’ils soient propriétaires ou locataires, est une passoire thermique va subir les hausses de prix de l’énergie plus durement que s’il avait les moyens d’isoler son logement.
Pour rappel : la loi de transition énergétique fixe un objectif de – 15% de la précarité énergétique d’ici 2020 et une rénovation de 500 000 logements/an à partir de 2017 dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes.
Coalition européenne sur le droit à l’énergie
La commission européenne dans son 4ème paquet énergétique remet en cause les tarifs sociaux avec leur disparition d’ici 5 ans. Comme elle demande la fin immédiate des tarifs réglementés de vente.
En réalité, les tarifs réglementés gênent les fournisseurs alternatifs pour réaliser plus de profit. En effet, leur disparition entraînerait la fin d’un référentiel de marché permettant aux usagers d’évaluer l’intérêt et la pertinence des offres de marché. Le tarif réglementé protège les usagers en agissant comme un prix plafond impossible à dépasser pour les offres de marché proposées par les fournisseurs.
Aussi, l’ONPE, à juste titre, rappelle qu’une augmentation de 10 % du prix de l’énergie ferait basculer 423 235 ménages supplémentaires en situation de précarité énergétique.
Nous avons participé à la création avec l’EPSU d’une coalition européenne pour défendre le droit à l’énergie et la lutte contre la précarité énergétique dans le cadre du 4ème paquet. Cette coalition est composée d’ONG environnementale comme Greenpeace ou les amis de la terre mais également d’ONG qui luttent contre la pauvreté comme EAPN, le réseau européen de lutte contre la pauvreté, social platform qui est le plus grand réseau d’organisations de la sté civile, la FEANTSA qui est une association qui aide les sans domicile fixe, et des syndicats comme Trade Union Europe, EPSU…
Aussi, notre rencontre aujourd’hui me permet de découvrir l’ECU (European Consumers Union). Leur présence me permet de leur faire la proposition d’être partie prenante au sein de la coalition. J’en ferai donc la demande s’ils en sont d’accord.
Les organisations prenant part à cette campagne portent devant les parlementaires européens, qui seront amenés à voter le quatrième paquet énergie, trois revendications. La première est « la reconnaissance dans la législation de l’UE de l’énergie à un prix abordable comme droit de l’homme de base ». La seconde est « l’interdiction de la déconnexion des ménages à faible revenu et aux consommateurs vulnérables ». La troisième est « la priorisation des ménages à faible revenu dans les initiatives de rénovation énergétique » de manière à ce qu’il n’y ait « aucun coût supplémentaire de logements ou sur les factures afin de traiter l’une des causes principales de la pauvreté énergétique »
D’autre part, nous avons d’ores et déjà programmé un colloque européen le 5 décembre où droit à l’énergie SOS Futur prendra toute sa place.
[1] En 2000, 193 états membres de l’ONU et 23 organisations internationales ont adopté à New York les Objectifs du Millénaire pour le Développement, devant être atteints en 2015. Au nombre de huit, ceux-ci couvrent de grands enjeux humanitaires, entre autres la réduction de l’extrême pauvreté et de la mortalité infantile, la lutte contre plusieurs épidémies dont le SIDA, l’accès à l’éducation, l’égalité des sexes, et l’établissement d’un environnement humain durable.
[2]Il convient de noter que les fournisseurs d’électricité qui proposent le TPN (tous depuis 2013) bénéficient d’une compensation croissante de leur versement au FSL, qui a atteint 100 % en 2013 pour EDF. Et donc, leur disparition pourrait remettre en cause le versement aux FSL pour certains. Le. Fonds de solidarité pour le logement accorde des aides financières aux personnes qui rencontrent des difficultés pour assurer leurs dépenses de logement.
[3]Les bailleurs sociaux logent 11 millions de personnes, soit 17 % des ménages, contre 58% de propriétaires occupants et 25 % de locataires du privé. Un tiers des locataires du parc social ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté et 2.2 millions bénéficient des aides au logement (APL).