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Ne pas perdre de vue, les objectifs ambitieux de l’accord de Paris !

10/12/18 Publications, Europe

Dans l’Union européenne, il s’agit de s’attaquer au principal émetteur de CO2: le secteur de l’énergie.

La libéralisation du secteur énergétique et les niches financières qu’elle a permises s’est traduite par une augmentation de la production d’électricité d’origine éolienne et photovoltaïque. Ce fort développement est financé par la création d’une taxe sur les factures des ménages dans pratiquement tous les pays. En France, la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE) payée par tous les consommateurs, même ceux qui sont en précarité énergétique, a augmenté de 650 % en 16 ans et représente plus de 7,7 milliards d’euros en 2018. Elle pèse près de 16% sur les factures d’électricité des ménages (source CRE). Les taxes sur l’électricité dans l’Union européenne, comme en France représentent plus de 34% de la facture. Parallèlement à ce phénomène, une augmentation de la production de l’électricité issue d’énergies fossiles, (charbon et gaz) est observée. Les prix flambent, en Europe le kWh a augmenté 70 % à 140 % depuis sa libéralisation, en France les TRV ont augmenté de 37 % en 10 ans d’ouverture du marché domestique. Et tous les experts constatent que les émissions de CO2 restent trop élevées pour répondre aux enjeux d’une baisse de 45 % des émissions de CO2 avant 2030 comme le préconise le GIEC.

Pour rappel, l’Union européenne s’est fixé comme objectif une réduction de 80% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, par rapport aux niveaux de 1990. Pour améliorer ses chances d'y parvenir, l'Union européenne s'est d'ailleurs fixé, en 2014, les objectifs intermédiaires de 40% de réduction d'ici à 2030 et 60% d'ici à 2040.

Nous faisons deux constats. D’une part, l’impact carbonne des pays dépend grandement des types d’énergie utilisée, notamment dans la production de l’électricité et d’autre part, du niveau de la libéralisation et de la déréglementation du secteur de l’électricité.

En Europe, les pays émettant le moins de CO2 sont scandinaves. La Norvège (+ de 90% hydraulique) émet moins de 32grde CO2/kWh. La Suède (44% hydraulique et + de 40% nucléaire) émet moins de 50 gr de CO2/kWh. La France arrive juste derrière avec moins de 75 gr de CO2/kWh (73 % nucléaire et 13 % hydraulique). Ces trois pays ont un mix électrique bas carbone à plus de 85 % et sont les seuls pays européens en dessous des 100 gr de CO2/kWh. Tous les autres pays s’avèrent moins vertueux et dépassent les 200 gr de CO2/kWh, y compris les pays dont les efforts de production éolienne est importante (source éco CO2, Electricty Map). Ils contribuent fortement à l’émission de CO2 pour la production d’électricité de l’Union Européenne. Ainsi ce sont plus de 1 123 millions de tonnes de CO2 en Europe et l’Allemagne contribue pour +de 23% de ces émissions. A contrario, la France y contribue pour seulement 3%. La production d’électricité de ces deux pays correspond à plus de 36% de la production de l’électricité de l’Union Européenne, (+19% pour l’Allemagne, et +17% pour la France). Un pays comme le Danemark affiche un décevant bilan de 322 gr de CO2/kWh et que dire de l’Allemagne qui dégage 445 gr de CO2/kWh. Ces deux pays dit vertueux sont aussi les deux pays Européens ayant les prix du kWh les plus élevés + de 29 cts d’€ le kWh. Cela est à comparer aux 15 cts d’€ du kWh de la France. (source Eurostat, mai 2018). Cette différence vient également du fait que la France a maintenu ses Tarifs Réglementés de Vente (TRV) permettant d’avoir une maitrise sur l’évolution des prix de l’électricité par les pouvoirs publics. Aujourd’hui, avec le mouvement des gilets jaunes, le gouvernement utilise le levier des TRV pour contrer une hausse des tarifs.

Le prix de l’électricité est une préoccupation majeure des européens comme des français. Aussi, les tarifs réglementés de vente qui sont définis de façon transparente et qui reflètent les coûts réels, garants de l’égalité de traitement doivent être pérennisés. Produits de première nécessité, en France l’électricité et le gaz doivent bénéficier d’une TVA à 5.5% sur le kWh et non à 20 % comme actuellement. Ceci est aussi d’actualité dans l’Union européenne. Prendre une telle mesure concourrait à une amélioration immédiate du pouvoir d’achat des ménages et sortirait de la précarité énergétique un bon nombre de ménages.

Le mode de chauffage des habitations individuelles ou collectives est aussi un facteur d’émission de CO2. En Europe, près de 80 % des quelques 200 millions de logements sont équipés d’un système de chauffage organisé, c'est-à-dire un système fonctionnant sur une même source d’énergie et permettant de chauffer plusieurs pièces. Celui-ci figure parmi les premiers postes d’économie d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre en Europe. Le chauffage en Europe est complexe et multiforme et de très nombreuses variables entrent en compte au plan national, voire régional : le climat, l’histoire et la culture, la configuration du parc immobilier (par exemple le poids respectif du logement collectif et du logement individuel). Les 40 millions de logements restants sont chauffés grâce à une cheminée, un poêle, des radiateurs électriques mobiles, ils sont principalement situés en Espagne, Italie et Portugal, là où le climat est plus clément. On constate dans les nouvelles constructions la part des solutions de chauffage collectif tend à reculer (- de 20% des logements) et celle du chauffage urbain à se stabiliser à environ 10 % des logements, avec toutefois un fort développement lorsqu’il s’appuie, par exemple, sur de la géothermie. La part du chauffage électrique représente –de 9% en Europe. La France occupe une position originale en Europe. Elle arrive largement en tête avec 25 % de son parc de logements existants chauffés à l’électricité et 70 % des logements neufs. La France est ainsi le seul des grands pays européens où la part du chauffage électrique direct s’accroit. Le chauffage au charbon collectif ou individuel est à la marge en France. Le chauffage au gaz dans l’Union européenne est le mode de chauffage le plus développé aussi bien en habitats collectifs qu’individuels, avec + de 40 % d’installations. Le chauffage (individuel et collectif) au gaz en France représente 44 % du mode de chauffage. Plusieurs rapports expliquent que le parc européen d’appareils de chauffage fonctionnant au gaz va croître encore dans les prochaines années, le gaz fait parti des technologies « gagnantes » d’ici 2025. Le chauffage au fioul en Europe représente un peu plus de 20 % des installations. Il est d’un peu plus de 30% en Allemagne. (Source Energie et Avenir)

L’OMS tire le signal d’alarme sur le mode de chauffage au bois, au charbon et au fioul. Ceux-ci sont encore utilisés dans de nombreux pays européens.

« Le chauffage domestique au bois, au charbon, ou au fioul constitue une source importante de pollution de l’air extérieur (ambiant). Il peut également provoquer une importante pollution intra domiciliaire, soit par l’exposition directe ou l’infiltration de l’extérieur. Il est prouvé que les émissions du à ces modes de chauffage entraînent de graves effets sanitaires, notamment la morbidité et la mortalité dues aux maladies respiratoires et cardiovasculaires. La combustion du bois, du charbon et du fioul émet également des composés cancérogènes. »

Emission de CO2, suivant type de chauffage en France (source ADEME)

Contenus en gr eqCO2/kWh

charbon

Fioul domestique

Gaz propane

Gaz naturel

Réseaux de chaleur ¹

Bois²

Electricité

Emission liées à la combustion

342

270

230

205

20 à 373

0 à 355

0

Emission totales du combustion, production transport

384

300

274

234

Pas de valeur disponible

13 à 370

6 à 10

¹ selon type de déchets et mode de traitement de ces déchets

²selon avec ou sans replantation, type de bois et provenance du bois local ou importation.

L’enjeu de la rénovation énergétique des co-propriétés et du parc locatif

Un constat partagé en Europe. Toutes les lois de transitions énergétiques en Europe abordent ce sujet. Mais s’inscrivent malheureusement dans le contexte financier de l’UE de réductions du déficit. Au contraire, ce sont des actions fortes en direction de la rénovation de l’habitat qui sont indispensables. En France, malgré l’objectif de rénovation de 500 000 logements par an dont la moitié de logement sociaux inscrit dans la loi de transition énergétique, la rénovation est à la peine. Le service public de la performance énergétique de l’habitat n’est pas opérationnel et financé. Le Crédit d’Impôt Rénovation Energétique (CITE) est divisé par deux et les fenêtres doubles vitrages exclues du dispositif. Quand à la reconversion des chaudières des 4 millions de ménages chauffés au fioul souvent sans autre solution (dont 1/3 en précarité énergétique) les aides allouées sont insuffisantes.

Alors oui, il y a besoin de réduire notre consommation d’énergie pour le chauffage pour permettre de mieux se chauffer et d’émettre moins de gaz à effet de serre. Mais il y a besoin d’aller vers des modes de chauffage bas carbonne. Des transferts d’usage d’énergies carbonées vers des énergies décarbonées doivent s’opérer.

Mais il faut aussi agir sur le deuxième secteur émetteur de CO2, le transport, là aussi l’Union Européenne doit revoir sa feuille de route sur la libéralisation du rail, taxer le kérosène, le fioul lourd et les compagnies pétrolières pour financer la transition énergétique, accélérer le report modal des marchandises de la route vers le rail, le trafic fluvial et les véhicules propres routiers. Et faire disparaitre cette aberration la libéralisation du transport de voyageurs par autocar qui met en concurrence directe avec le transport ferroviaire.

Le secteur de l’électricité, à condition d’être décarbonée, présente le plus grand potentiel de réduction des émissions. L'électricité pourrait en partie remplacer les combustibles fossiles dans les transports et les systèmes de chauffage.

L'électricité sera produite à partir de sources d'énergie renouvelables tels que le vent, le soleil, l'eau et la biomasse, ou d'autres sources d'énergies à faibles émissions, comme les centrales nucléaires ou les centrales à combustibles fossiles équipées de technologies de captage et de stockage du carbone. Des investissements importants devront également être réalisés dans les réseaux intelligents. Combiner lutte contre le réchauffement climatique, gestes pour le pouvoir d’achat et créations d’emplois est possible. Mais pour répondre à ces enjeux, il y a un impératif celui de sortir l’énergie de la loi du marché et de la concurrence libre et non faussée. Il faut considérer l’énergie comme un bien universel, et non une marchandise pour rémunérer les actionnaires. C’est ce que nous porterons avec détermination.

Dans l’Union européenne la création d’un observatoire officiel des émissions de CO2 par énergie et par usage pour aider à l’établissement des politiques publiques et ainsi mettre fin aux polémiques actuelles sur les rejets de CO2 est indispensable.

Paris, le 5 décembre 2018

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