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Présentation de M. Moustapha Kadi Oumani, Président de l’ONG CODDAE au colloque international de la Fondation G. Péri

18/04/23 Publications, International

« L’énergie, bien commun de l’humanité ? », je perçois dans ce thème de l’inquiétude, pour ne pas dire plus ! Malgré tout, c’est une inquiétude compréhensible pour moi, car le continent Africain regorge abondement de sources d’énergies fossiles et renouvelables pouvant permettre d’alimenter tous les pays démunis.

L’Afrique, je dis bien dispose d’importantes ressources primaires énergétiques : uranium, à tout seigneur, tout honneur, en tant que Nigérien, je ne peux que commencer par cette source d’énergie, parce que mon pays est le 4ème producteur mondial, je citerai ensuite le charbon fossile, le pétrole, le gaz naturel, le soleil (une denrée gratuite dans mon pays où la température peut atteindre 55°C à l’ombre), les bassins hydrauliques, le vent, sans compter la biomasse, les déchets urbains, et les résidus de culture.

Honorables invités, permettez-moi de tirer expressément sur un ressort en prenant l’exemple de trois pays du Sahel : le Niger, le Mali et le Burkina-Faso, des pays totalement enclavés, où il manque tout.

Sans avoir fait une étude exhaustive, je sais que les habitants de ces pays sont parmi ceux qui consomment le moins d’énergie au monde, car 75% des 70 millions d’habitants vivent sans électricité.

Un habitant sur quatre, a accès à l’électricité, les zones rurales disposent d’à peine 3% du réseau électrique. Les causes sont connues : depuis leur accession à l’indépendance en 1960, les capacités de production et de valorisation des ressources énergétiques de ces pays sont restées limitées.

Alors, à la question du Colloque « l’énergie, bien commun de l’humanité ? » Une partie de l’Afrique peut répondre « Non » !

Pour offrir de meilleures chances d'avènement et d'instauration de véritables bases d’un développement énergétique qu’ambitionnent de matérialiser les 55 Etats africains, il y a lieu de se poser une question fondamentale qui porte deux fenêtres :

Comment initier des choix et comment entreprendre des actions qui vont permettre de palier les handicaps en matières énergétiques auxquels notre région est actuellement confrontée ?

Poser cette question légitime, c’est revenir à la source du problème, d’où mon inquiétude qui vise à instaurer de véritables bases de développement énergétique en Afrique. Je sais personnellement que la réponse se trouve probablement au niveau d’investissements intelligents et conséquents qui soient décidés par nos dirigeants dans leur volonté d'accroître des projets d’offre énergétique fortement ruraux.

A ce niveau de ma réflexion, je dirais que nous pensons trouver des ampoules à faibles coûts pour nos populations ; d’autres parlent d’économie d’énergies, de gaspillage d’énergie, de viser la qualité de l’énergie, de penser à l’environnement. Je sais que c’est du bon sens. Mais, chers Honorables invités, j’attire votre haute attention que les disparités sont trop grandes entre les Nations.

C’est définitivement admis que dans le contexte mondial actuel, les Etats africains ont intérêt à mutualiser leurs efforts en vue de mieux utiliser et minimiser les coûts de ce qui existe comme sources d’énergies offertes aux populations et pallier concomitamment aux incessants délestages en vue de sécuriser les approvisionnements.

Vous comprenez que nos situations sont différentes pour ne pas dire plus. Aussi, quand je parle de mutualiser les efforts, je ne parle pas, à la limite, d’étouffer un pays africain à cause de sa solidarité.

Mais, je pense à remettre au goût du jour l’ambitieux programme électronucléaire du Niger et la stratégie d’accès universel à l’électricité des Nations-Unies de 2012 (Sustainable Energy for All ou SEforAll), qui prônent tous cet objectif.

Alors, faut-il aller plus loin ? Oui en prônant la construction de Centrales Nucléaires au Niger et ailleurs en collaboration avec les sociétés qui extraient nos minerais, je pèse bien mes mots.

Nous le savons tous, que l’explosion démographique, les conflits, l’essor des classes sociales moyennes, la fin prochaine des énergies fossiles nous conduira inévitablement vers d’autres sources d’énergies et bien d’autres actions au plan international.

Il y a effectivement des risques que les grands pays industriels ont su contrôler sachant que le risque zéro n’existe pas. Le nucléaire, le gaz naturel, on en parle aujourd’hui dans les grands centres d’intérêts, car les populations mondiales veulent mieux vivre ; notre Colloque international ne doit en aucun cas dissimuler la question d’approvisionnement qui est une vraie envie en Afrique comme l’utilisation du gaz dans les pays occidentaux, notamment ici en France.

Certes, le nucléaire fait peur dans beaucoup de parties du monde, notamment dans les pays industrialisés, des politiques sont mises en place pour fermer certaines Centrales, j’en suis conscient.

Cependant, comme on dit « ventre qui a faim n’a point d’oreilles » ; le besoin des consommateurs n’est plus une lubie, mais une voie crédible de développement. Il est clair que l’être humain met son existence en péril lorsque cela se fait au détriment de ses besoins !

En ce moment, je suis conscient d’avoir poussé l’inquiétude dont je parlais au début en un vrai stress pour certains dans cette salle. Cependant, ne mettons pas la poussière sous le tapis. Posons les vrais problèmes.

Nous traversons des zones d’ombres, mais nous trouverons les vraies solutions. Sinon, nous ferons face à des perspectives encore moins réjouissantes, face à l’indisponibilité et la hausse des prix d’énergie qui se profilent.

Il nous faut absolument et en toute urgence réparer l’injustice en fournissant l’énergie à toute l’humanité et en faisant en sorte qu’elle soit reconnue comme un besoin fondamental de l’homme par les Nations-Unies au même titre que l’eau, le droit à l’alimentation et le droit au respect des biens.

A ce titre, le droit à l’énergie doit bénéficier d’une protection particulière avec une valeur constitutionnelle, comme au Niger. Je mettrai à votre disposition quelques exemplaires de la Constitution pour tirer des leçons sur l’article 147.

Pour accéder à ce droit devenu vital, il est urgent de parer aux dysfonctionnements et contraintes tant politiques, structurelles, que psychologiques. Son accès nécessite la mise en place d’un véritable service public de l’énergie et l’arrêt de sa marchandisation.

De toute évidence, les problèmes énergétiques se complexifient, l’offre est devenue chaotique et aléatoire en Europe et en Afrique. De ce fait, elle constitue un handicap sérieux à la promotion des activités économiques et industrielles.

A cet égard, la mise en place d'un tarif social pourrait répondre à notre attente. Autrement, je tiens à dire que la guerre en Ukraine et le développement de la mobilité sont des facteurs pouvant encore générer une augmentation de la demande énergétique !

Dans ce cadre, je citerai un exemple : notre Association Droit à l’énergie « SOS Futur, a anticipé en apportant sa contribution aux 100.000 habitants de la ville minière d’Arlit au Niger où le groupe ORANO exploite deux mines d’uranium depuis 50 ans. L’idée du projet est née de l’électrification de quatre quartiers périphériques.

Le projet a été présenté en mai 2007 à Genève au Secrétaire Général des Nations Unies M. Ban Ki Moom, pour son originalité, qui a d’ailleurs été très impressionné par la démarche participative. A ce titre, nous avons démontré que l’accès à l’électricité des populations qui en étaient dépourvues permettait des améliorations positives dans leur vie quotidienne.

Voilà Mesdames, Messieurs, quelques éléments et pistes de réflexions que je souhaitais partager avec vous à ce grand rendez-vous d’échanges, pour apporter notre modeste contribution au thème : « L’énergie, bien commun de l’humanité ?».

Merci de votre indulgente attention !

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